MODULE E: Créer l’innovation dans le domaine du financement

Besoins financiers dans le secteur agricole, méthodologie pour concevoir des modèles de financement innovants, facteurs permettant et empêchant la réussite de la mise en oeuvre d’un financement innovant

Durée du module: 160-200min | Durée de chaque unité: 10-60min

INTRODUCTION

Le module E vise à fournir les connaissances et les compétences requises pour concevoir un système de financement innovant dans le secteur agricole.

En se basant sur le catalogue FARMINFIN et les études de cas FARMINFIN, ce module présente une méthodologie pour concevoir des schémas de financement innovants et une vue d’ensemble des facteurs permettant et empêchant la mise en oeuvre de financements innovants.

OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE

Les objectifs d’apprentissage de ce module sont :

  • Comprendre la signification d’un « financement innovant ».
  • Connaître les besoins en termes de financement dans l’agriculture, les limites du financement traditionnel et comment le financement innovant peut répondre à ces limites.
  • Identifier les acteurs généralement impliqués dans les schémas de financement innovants en agriculture.
  • Acquérir des connaissances sur la manière de concevoir des modèles de systèmes de financement innovants et des compétences de base applicables à un cas réel.
  • Identifier certains facteurs communs qui permettent et empêchent la réussite de la mise en oeuvre d’un financement innovant dans l’agriculture.
  • Rassembler les connaissances de base pour pouvoir éventuellement approfondir le sujet à l’avenir.
TEST INITIAL
1. QU’EST-CE QUE LE FINANCEMENT INNOVANT ?

Aujourd’hui, le secteur agricole est confronté à de nombreux défis mondiaux, qu’il s’agisse de l’incertitude des marchés, de la forte volatilité des prix, des faibles revenus des agriculteurs, du vieillissement de la population agricole, du lent renouvellement des générations ou des conséquences du changement climatique et de la pandémie actuelle de Covid-19. Tous ces défis ont un impact sur la situation financière des agriculteurs, qui sont souvent confrontés à des besoins financiers soudains, par exemple pour augmenter leurs liquidités ou pour réaliser un nouvel investissement.

Les formes traditionnelles de financement, comme les prêts bancaires, sont de plus en plus difficiles à obtenir pour les agriculteurs. Les banques exigent souvent des conditions strictes pour les prêts. De nombreux agriculteurs, et plus particulièrement les jeunes, voient leurs demandes de financement refusées, en raison de leur manque de connaissances financières, d’un historique de crédit insuffisant ou d’un plan d’entreprise inadapté. Par peur du rejet, beaucoup de jeunes agriculteurs abandonnent même l’idée de demander une aide financière.

Par conséquent, de nombreux agriculteurs se tournent vers des formes de financement innovantes, afin de contourner les moyens de financement traditionnels tels que les prêts bancaires. L’adoption de produits financiers innovants nécessite un niveau minimum de connaissances financières et une attitude ouverte d’esprit pour explorer des possibilités originales.

2. QUELS SONT LES BESOINS DE FINANCEMENT DANS LE SECTEUR AGRICOLE, QUELLES SONT LES DIFFICULTÉS RENCONTRÉES PAR LES AGRICULTEURS AVEC LES FINANCEMENTS TRADITIONNELS, ET COMMENT LES FINANCEMENTS INNOVANTS PEUVENT-ILS AIDER À SURMONTER CES OBSTACLES ?
Les besoins de financement

Les besoins de financement des agriculteurs varient en fonction de deux échéances. À court terme : pour couvrir le manque de liquidités entre les dépenses et les recettes à venir. À long terme, pour couvrir les investissements nécessaires à la création de nouvelles exploitations ou à l’amélioration des exploitations existantes (achat de machines, achat de terres ou amélioration des installations).

Les besoins de financement dépendent également du type d’activité agricole exercée. Dans le cas des exploitations de culture, les agriculteurs rencontrent souvent des difficultés relatives aux prêts d’exploitation en raison de l’irrégularité de leur trésorerie (le flux de trésorerie varie d’une année sur l’autre). Dans les exploitations d’élevage, les agriculteurs ont souvent besoin d’acheter des terres ou des machines innovantes. Dans le cas des exploitations familiales, il y a souvent des besoins d’investissement, par exemple pour raccourcir les chaînes d’approvisionnement (vente ou transformation de la production, ateliers de découpe de viande, fromageries, etc.).

Difficultés rencontrées par les agriculteurs avec les financements traditionnels

L’un des problèmes cruciaux est l’accès au financement pour les investissements ou pour les fonds de roulement. Ce point a été souligné dans le rapport « Survey on financial needs and access to finance of EU agricultural enterprises » (Enquête sur les besoins financiers et l’accès au financement des entreprises agricoles de l’UE), réalisé par la Commission européenne en collaboration avec la Banque européenne d’investissement (BEI). L’accès au financement, en particulier aux prêts bancaires, était critique pour 12,2 % de tous les agriculteurs qui les utilisaient pour financer leurs investissements et pour 10,4 % d’entre eux qui les utilisaient pour leurs fonds de roulement en 2017.

Les agriculteurs sont confrontés à des taux de rejet élevés des demandes de financement. Selon le même rapport, environ 15,6 % des demandes de prêts à court et long terme ont été rejetées en 2017, ainsi que 14 % des prêts à moyen terme.

Ce problème crée une forte crainte du rejet qui conduit souvent les agriculteurs à abandonner l’idée de demander un financement. En 2017, environ 9 % des exploitations agricoles n’ont pas demandé de financement par crainte que leur demande soit rejetée. Ce problème devient encore plus grave pour les jeunes agriculteurs : ils étaient deux à trois fois plus susceptibles de voir leur demande rejetée par les banques par rapport aux agriculteurs plus âgés. Souvent, les banques rejettent les demandes des jeunes agriculteurs en raison du risque élevé associé au lancement d’une nouvelle entreprise. De plus, les jeunes agriculteurs semblent souffrir davantage d’un manque de garanties appropriées (à la fois immobilières et mobilières) ainsi que de plans d’entreprise inadaptés.

Financement innovant

Le financement traditionnel présente de nombreuses limites qui empêchent les agriculteurs de relever les défis de notre époque. Il est donc important que les agriculteurs évaluent d’autres options de financement moins restrictives, telles que celles offertes par les formes alternatives et innovantes.

Aujourd’hui, les nouvelles formes de financement innovant n’ont pas clairement atteint la majorité des agriculteurs, comme le montre l’enquête FARMINFIN, menée en Belgique, en Allemagne, en Espagne, en République tchèque et en Italie. L’une des raisons en est que les agriculteurs doivent avoir des connaissances financières de base pour pouvoir accéder aux structures financières innovantes. Cependant, la formation financière offerte aux agriculteurs à travers l’Europe semble être insuffisante. Avec ce projet, et ce module en particulier, nous visons à améliorer les connaissances financières des agriculteurs afin de leur faciliter l’accès à des formes alternatives de financement.

3. QUI SONT LES ACTEURS IMPLIQUÉS DANS LES FINANCEMENTS INNOVANTS ?

Les acteurs impliqués dans les modèles de financement innovant varient en fonction de la conformation du modèle de financement innovant, tel que présenté dans le catalogue FARMINFIN.

Dans les modèles basés sur des prêts, les principaux acteurs sont l’emprunteur (l’agriculteur) et le prêteur (l’investisseur qui fournit le financement sous forme de prêt à l’agriculteur). Les investisseurs peuvent provenir de l’environnement immédiat de l’agriculteur, comme dans le modèle des prêts directs (n° 10 du catalogue) ou des investisseurs providentiels (n° 11 du catalogue), ou ils peuvent être des personnes extérieures recrutées par le biais de campagnes sur Internet, comme dans le cadre du financement participatif (n° 7 du catalogue).

D’autres modèles prévoient la présence d’intermédiaires financiers, qui sont des entités financières créées par les investisseurs, par le biais desquelles ils fournissent des fonds aux agriculteurs. Des exemples de ces entités financières sont les sociétés de capital-risque (sociétés anonymes qui prennent temporairement le capital social de sociétés non financières, n° 9 du catalogue), ou les fonds d’investissement (entités juridiques créées par des investisseurs qui participent généralement, par le biais d’autres sociétés intermédiaires, aux projets et aux décisions opérationnelles, n° 13 du catalogue).

Dans les modèles de financement associatif, le financement provient des agriculteurs eux-mêmes, qui forment des partenariats et réalisent collectivement des investissements. Ces partenariats peuvent prendre le statut juridique de coopératives (n° 2 du catalogue), où les membres apportent du capital dans un but précis sous forme de parts sociales.

Enfin, il existe des modèles de financement avec une participation directe des clients au financement de l’investissement, comme les groupes d’achat de consommateurs (n° 16 du catalogue) ou le crédit-bail de bétail (n° 17 du catalogue). Ici, les clients sont les investisseurs.

4. MÉTHODOLOGIE POUR CONCEVOIR DES MODÈLES DE FINANCEMENT INNOVANT EN AGRICULTURE

OBJECTIF

Pourquoi ai-je besoin d’un modèle de financement innovant : pour augmenter ma trésorerie, améliorer mon fonds de roulement ou financer des investissements ?

De nombreux modèles de financement innovant visent à augmenter les flux de trésorerie, d’autres à financer de nouveaux investissements. Par exemple, dans l’étude de cas BE01, la ferme urbaine Kopjezwan a été mise en place grâce au financement participatif par prêt dans le but de générer des flux de trésorerie : il s’agit d’un modèle de financement où les amis et les membres de la famille prêtent de l’argent à des taux d’intérêt très bas (modèle n° 8 du catalogue). Au contraire, dans l’étude de cas ES04, Patricia a décidé de rejoindre une forme associative de financement (modèle n° 1 du catalogue), plus précisément une SAT (Société Andalouse de Transformation), pour la transformation et la commercialisation de la pistache. Elle a ainsi réalisé un investissement.

PHASE DE L’ENTREPRISE

Dans quelle phase se trouve mon entreprise ? Ai-je besoin de démarrer ou de financer des opérations commerciales, un refinancement, une acquisition ou une restructuration de mon exploitation ?

Votre entreprise peut se trouver à plusieurs stades, ce qui influe sur la configuration de votre modèle de financement innovant. Vous voulez peut-être démarrer une exploitation agricole, ou financer le développement, le refinancement, l’acquisition, ou la restructuration de votre entreprise.

La plupart des études de cas rencontrées présentent des modèles de financement ciblant les phases de démarrage ou de développement des entreprises. Par exemple, dans l’étude de cas SE01, Cissi adopte le modèle innovant de l’investisseur providentiel pour financer la création de son exploitation porcine (modèle n° 11 du catalogue). Au contraire, dans l’étude de cas SE02, Ebba Maria crée une fondation pour développer son entreprise agricole : elle souhaite diversifier ses activités de production et créer de nouveaux projets éducatifs autour de l’agriculture (modèle n° 21 du catalogue).

CARACTÈRE

Est-ce que je veux un modèle de financement privé ou public ?

La majorité des études de cas présentées montrent des modèles de financement innovants à caractère privé.

Par exemple, dans l’étude de cas DE02, M. Dupont propose le crédit-bail de bétail à ses clients en passant par des contrats privés.

Au contraire, quelques études de cas présentent des modèles de financement à caractère public : dans l’étude de cas CZ03, Radmila a reçu une aide financière du ministère de l’Éducation pour mettre en place des camps d’été pour les enfants et du ministère de la Culture pour rénover les bâtiments de sa ferme équestre.

RÈGLEMENTATION

Quelles sont les exigences légales requises dans le cadre des modèles de financement innovant ?

Selon le type de mécanisme de financement innovant choisi, les exigences légales peuvent varier, allant de l’acquisition d’un statut juridique à la stipulation de contrats et d’assurances. Par exemple, si vous décidez de créer une coopérative (modèle n° 2 du catalogue), vous devez connaître tous les prérequis juridiques nécessaires : vous devez inscrire la coopérative dans un registre public pour obtenir le statut de personne morale, vous devez décider des qualifications des membres (éventuelles restrictions liées à l’âge, au nombre minimum et maximum de membres), des principes d’admission, des obligations et des droits des membres, …

Souvent, une étape juridique nécessaire est la stipulation de contrats : ce sont des accords juridiquement exécutoires entre deux ou plusieurs parties. Les contrats de crédit-bail de terres agricoles (modèle n° 18 du catalogue) et de crédit-bail de bétail (modèle n° 17 du catalogue, étude de cas DE02) en sont des exemples. Enfin, le processus de construction du cadre réglementaire de votre système de financement innovant peut impliquer l’acquisition d’assurances. Ce sont des mécanismes essentiels pour garantir le revenu et la liquidité en cas de situations d’urgence. Ces situations d’urgence peuvent par exemple être les mauvaises récoltes dans un modèle de groupes d’achat de consommateurs.

FORME JURIDIQUE

Est-ce que je veux impliquer une entité juridique distincte pour mon modèle de financement innovant ? Est-ce que je veux créer une entité juridique pour justifier mon modèle de financement innovant ?

Certains modèles de financement innovant nécessitent l’implication d’entités juridiques distinctes. C’est le cas des fonds d’investissement : ce sont des entités juridiques créées par des investisseurs, qui participent généralement par le biais d’autres sociétés intermédiaires aux projets et aux décisions opérationnelles (modèle n° 13 du catalogue). Comme présenté dans l’étude de cas SE01, l’implication d’un fonds d’investissement suédois et l’aide financière reçue ont été essentielles pour que Cissi puisse acheter la ferme porcine où elle travaillait comme employée. D’autres modèles de financement innovant impliquent la création et l’enregistrement d’entités juridiques, telles que des coopératives ou des fondations. Ce dernier cas est présenté dans l’étude de cas DE03, où quelques citoyens ont créé la Fondation Hofgut Oberfeld grâce à laquelle ils ont réussi à acheter conjointement la ferme historique du domaine de l’État de Hesse et à louer le terrain.

MODÈLE

Est-ce que je veux un modèle basé sur la participation ou sur l’autonomie ?

La majorité des exemples de financement innovant que nous avons présentés sont basés sur des modèles associatifs, impliquant la participation de nombreux acteurs. Ces collaborations financières peuvent se produire entre agriculteurs, qui unissent leurs forces et créent des formes associatives de financement comme les SAT (modèle n° 1 du catalogue) ou les coopératives (modèle n° 2 du catalogue). Les modèles associatifs de financement peuvent également se faire entre agriculteurs et consommateurs, comme les groupes d’achat de consommateurs (modèle n° 16 du catalogue). À l’inverse, les prêts directs (modèle n° 10 du catalogue) ou les prêts par des institutions publiques (comme le prêt sur 30 ans de l’ISMEA, étude de cas IT02) sont basés sur une relation financière plus « autonome » entre l’agriculteur et l’entité financière.

PRÉSENCE D’INTERMÉDIAIRES

Est-ce que je veux faire appel à des intermédiaires comme des fonds d’investissement ou des plateformes ?

Les intermédiaires financiers sont des entités qui agissent comme des intermédiaires entre deux parties dans une transaction financière, comme les banques commerciales, les banques d’investissement, les fonds mutuels ou les fonds de pension.

Parmi les modèles de financement innovant présentés, les fonds d’investissement ou les investisseurs providentiels peuvent être considérés comme des entités financières agissant en tant qu’intermédiaires (modèle n° 13 du catalogue). Ils peuvent être des facilitateurs clés pour la création d’entreprises agricoles, comme le montre l’étude de cas SE01, où un fonds d’investissement suédois a apporté à Cissi le soutien financier dont elle avait besoin pour acheter une exploitation porcine. Cependant, il faut savoir que dans les formes de financement innovant, qui prévoient la présence d’intermédiaires, il y a un risque de perte d’autonomie pour l’agriculteur. Les investisseurs souhaitent souvent garder un certain contrôle sur les décisions liées à leurs investissements, ce qui peut se traduire par la remise d’actions ou la gestion de domaines spécifiques de l’entreprise.

Les plateformes peuvent également servir d’intermédiaires. Dans les modèles impliquant le financement participatif, les plateformes de financement participatif remplacent les intermédiaires financiers traditionnels et servent de nouveaux intermédiaires. Il s’agit de sites web où les collecteurs de fonds et les participants interagissent et effectuent des transactions financières. Des exemples de plateformes de financement participatif sont la plateforme française MiiMOSA ou la plateforme italienne Biorfarm. Des références à cette dernière ont été présentées dans l’étude de cas IT03, où le vigneron Gianfranco a pris contact avec un groupe d’experts en eCommerce et en collecte de fonds de la plateforme Biorfarm qui a rassemblé des agriculteurs de toute l’Italie, leur a permis de raconter leur histoire et a vendu leurs produits grâce à l’action de financement participatif « Adoptez ou donnez un arbre ».

DURÉE DU PROCESSUS DE DÉCISION DE FINANCEMENT

Combien de temps faut-il pour effectuer les démarches préparatoires avant la mise en oeuvre du modèle de financement innovant ?

« La durée du processus de décision de financement » fait référence à la période préparatoire nécessaire pour mettre en place le modèle de financement innovant, avant sa mise en oeuvre effective. La durée du processus de décision de financement peut être longue si elle nécessite un temps de préparation plus long, ou courte si la préparation est plus courte.

Par exemple, si vous envisagez de mettre en place un modèle de financement participatif par prêt, vous devez prévoir un temps de préparation suffisant, par exemple pour trouver les investisseurs et vous mettre d’accord sur le prêt et ses conditions telles que les taux d’intérêt, le délai de remboursement, les garanties éventuelles (modèle n° 8 du catalogue). Dans le même ordre d’idées, la création d’une fondation ou d’une coopérative nécessite plusieurs étapes préparatoires. Au contraire, dans un modèle de crédit-bail de bétail (modèle n° 17 du catalogue, étude de cas DE02), la durée de la phase préparatoire est généralement plus courte, puisqu’elle nécessite principalement la stipulation d’un contrat privé de garde d’animaux entre l’agriculteur et le client.

DURÉE DU FINANCEMENT

Combien de temps faut-il pour rembourser l’argent que j’ai reçu pour la mise en oeuvre du modèle de financement innovant ?

« La durée du financement » fait référence au temps nécessaire pour rembourser les prêts après la mise en oeuvre du modèle de financement innovant. La durée du financement peut être de moyen à long terme : c’est le cas du modèle de prêt sur 30 ans de l’ISMEA, où l’agriculteur est invité à rembourser le prêt à l’organisme public italien, généralement dans un délai de 5 à 10 ans. À l’inverse, lorsqu’un agriculteur bénéficie d’un prêt direct, la durée du financement peut varier en fonction des accords conclus entre l’investisseur et l’agriculteur.

DIVERSIFICATION DES SOURCES DE FINANCEMENT

Est-ce que je veux recourir à un mélange de plusieurs modèles de financement innovants ou une combinaison de schémas de financement traditionnels et innovants ?

La majorité des études de cas présentent des histoires d’agriculteurs qui n’ont pas adopté un seul modèle de financement, mais un mélange de différents modèles qui leur a permis d’avoir une structure financière plus stable. Cette combinaison financière peut être le résultat de l’association de deux ou plusieurs modèles de financement innovants, ou d’un schéma de financement innovant avec un schéma traditionnel.

Par exemple, le modèle économique de Kopjezwam, une ferme urbaine belge produisant des micropousses et des champignons, est le résultat de la combinaison de deux modèles de financement innovants : le financement participatif par prêt et le financement participatif (étude de cas BE01). À l’inverse, dans l’étude de cas SE01, Cissi a repris une exploitation porcine grâce à un prêt bancaire traditionnel et à l’aide financière d’un fonds d’investissement et d’un investisseur providentiel. Dans l’étude de cas IT05, Domenico a combiné le modèle innovant du financement participatif avec les fonds traditionnels du développement rural pour financer ses nouveaux projets : il a utilisé les fonds du développement rural pour construire un hangar pour le traitement de ses récoltes et de son, miel et le financement participatif pour son projet de transformation d’une terrasse de la ferme en un lieu où les clients peuvent déguster les produits de la ferme.

Diversifier les sources de financement pour la création d’une activité agricole peut également signifier se tourner vers des sources de financement nationales non agricoles. C’est ce qui est arrivé à Radmila (étude de cas CZ03), qui a réussi à financer des camps d’été pour les enfants de sa ferme grâce à un financement du ministère de l’Éducation et la rénovation des bâtiments de son élevage de chevaux grâce à un financement du ministère de la Culture.

COMPLEXITÉ

Est-ce que je veux un modèle avec un niveau de complexité plus ou moins élevé (en ce qui concerne les procédures administratives, la consommation de temps, la relation de confiance et les risques) ?

Plusieurs facteurs entrent en jeu lorsqu’il s’agit de définir la complexité d’un modèle de financement : la charge administrative (c’est-à-dire les formalités administratives nécessaires à l’acquisition d’un statut juridique, l’établissement d’une structure de gouvernance, les règles de procédure, etc.), le temps (c’est-à-dire pour les étapes préliminaires nécessaires à la création de la structure financière), la confiance (c’est-àdire celle nécessaire à l’établissement de la relation financière, par exemple lors de la stipulation d’un contrat), les risques (c’est-à-dire en cas d’échec des cultures, de dettes ou même de faillite).

En général, sur la base des facteurs mentionnés précédemment, certains modèles de financement innovant peuvent être définis comme plus complexes, notamment les fonds d’investissement (modèle n° 13 du catalogue). Les procédures administratives peuvent être longues, de même que la consolidation d’une relation de confiance. Il peut y avoir plusieurs risques pour l’agriculteur, même de faillite, en raison des taux d’intérêt élevés et du court délai de remboursement exigé par le fonds d’investissement. Au contraire, un modèle de groupement d’achat de consommateurs est généralement moins complexe (modèle n° 16 du catalogue). En général, il peut être plus rapide à créer, la relation est établie par un contrat et il y a moins de risques pour l’agriculteur, par exemple en termes de faillite.

RISQUES

Quel est le niveau de risques pour l’agriculteur ? Le bailleur de fonds participe-t-il aux risques de l’exploitation ?

Comme dans le cas de la complexité, le niveau de risque est le résultat de nombreux facteurs, dont beaucoup dépendent du contexte. En général, les formes participatives de financement innovant sont moins risquées pour l’agriculteur, car le risque est partagé entre plusieurs agriculteurs. C’est le cas des coopératives (modèle n° 2 du catalogue) ou des achats associatifs de biens et de fournitures (modèle n° 4 du catalogue).

Lorsque le bailleur de fonds participe aux risques de l’exploitation, le niveau de risque pour l’agriculteur est plus faible, comme dans le cas des modèles agricoles solidaires (modèle n° 19 du catalogue). En cas de mauvaise récolte, le risque est partagé entre les membres et l’agriculteur.

CONTRÔLE

Le bailleur de fonds va-t-il participer au processus de décision de l’exploitation agricole ?

Certains modèles de financement innovant prévoient l’implication du bailleur de fonds dans le processus de décision de l’exploitation. C’est le cas des coopératives, où, par nature, les membres qui apportent le capital s’assoient également à la table des décisions (modèle n° 2 du catalogue).

La participation des bailleurs de fonds aux décisions de l’exploitation peut être problématique, car ils peuvent limiter l’autonomie de l’agriculteur dans la prise de décision. Dans l’étude de cas SE01, Cissi, une agricultrice qui a acheté sa porcherie grâce à l’aide d’un investisseur providentiel, révèle que « l’aspect le plus difficile est le relationnel : il faut apprendre à se connaître. Ce n’est pas un investisseur providentiel désintéressé, il veut apporter son grain de sel (mieux : s’impliquer) ici et là et donner des conseils. » Les fonds d’investissement sont un autre exemple : les investisseurs fournissant le fonds d’investissement peuvent être très envahissants sur les décisions de l’agriculteur (modèle n° 13 du catalogue).

REMBOURSEMENT

Quels sont les coûts pour rembourser l’investissement ? Quels sont les taux d’intérêt ? Quelles garanties dois-je fournir ?

Le terme « remboursement » fait référence aux actions que les agriculteurs doivent entreprendre pour récupérer les coûts d’un investissement ou pour rembourser un prêt. Il dépend de plusieurs facteurs, dont les coûts de remboursement de l’investissement, les taux d’intérêt appliqués par le bailleur de fonds et la présence éventuelle de garanties.

Un taux d’intérêt est défini comme la proportion d’un montant prêté qu’un prêteur facture comme intérêt à l’emprunteur, normalement exprimé en pourcentage annuel. Dans certains modèles de financement innovant, les taux d’intérêt ont tendance à être élevés, comme dans le cas des fonds d’investissement.

Au contraire, certains prêts émis par des organismes publics peuvent avoir des taux d’intérêt plus bas. Comme présenté dans l’étude de cas IT02, un prêt sur 30 ans de l’ISMEA a des taux d’intérêt bas (légèrement inférieurs à 1 %), permettant aux jeunes agriculteurs d’y accéder.

Une garantie financière est un type de promesse donnée par un garant de prendre la responsabilité de l’emprunteur en cas de défaut de paiement au prêteur ou à l’investisseur, souvent proposée sous forme d’obligations. Lorsqu’il demande un prêt, l’agriculteur doit souvent fournir des garanties pour prouver qu’il prendra ses responsabilités en cas de difficultés financières. Les garanties peuvent être données sous la forme de parts de l’entreprise, de parts du capital ou d’un nantissement.

Le terme nantissement désigne un actif qu’un prêteur accepte en garantie d’un prêt. En cas de défaut de remboursement de l’emprunteur, le prêteur peut saisir le nantissement et le vendre, en appliquant l’argent de la vente à la partie impayée du prêt. Un terrain est un exemple de nantissement.

5. APPLICATION DE LA MÉTHODOLOGIE AU FINANCEMENT PARTICIPATIF

Dans cette leçon, vous apprendrez à appliquer la méthodologie pour créer un modèle de financement innovant pour votre entreprise agricole. Nous prendrons l’exemple du financement participatif et verrons à quoi ressemble chaque catégorie du modèle.

Vous découvrirez également l’histoire de Lisa, une jeune agricultrice urbaine qui a fait du financement participatif pour acheter un vélocargo électrique pour livrer des légumes en ville ! Vous voulez en savoir plus ? Passez à la diapositive suivante !

Financement participatif – application de la méthodologie pour concevoir des modèles de financement innovant

OBJECTIF

Pourquoi ai-je besoin d’un modèle de financement innovant : pour augmenter ma trésorerie, améliorer mon fonds de roulement ou financer des investissements ?

Le financement participatif est un appel ouvert à la collecte de ressources pour une idée commerciale spécifique. Les investisseurs ont la possibilité de sélectionner directement les projets dans lesquels ils souhaitent investir, en fonction de leurs attentes et de leurs préférences en termes de niveau de risque et de motivation financière ou non financière. En général, le financement participatif est utilisé dans le but de financer des investissements, par exemple pour mettre en place de nouvelles opérations ou pour financer une partie du processus.

Par exemple, pour diversifier l’activité agricole et créer de nouvelles activités de marketing et d’éducation, telles que des dégustations à la ferme, comme l’illustrent les études de cas IT05 et IT03.

PHASE DE L’ENTREPRISE

Dans quelle phase se trouve mon entreprise ? Ai-je besoin de démarrer ou de financer des opérations commerciales, un refinancement, une acquisition ou une restructuration de mon exploitation ?

En général, le financement participatif est un outil de financement innovant utilisé pour financer des opérations commerciales ou de nouvelles acquisitions. Par exemple, dans l’étude de cas DE04, Amélie et Franziska l’ont utilisé pour financer l’acquisition d’une nouvelle bergerie dans leur exploitation ovine.

Cependant, le modèle de « financement participatif basé sur les capitaux propres » dans lequel des investisseurs individuels participent et obtiennent en retour des actions de l’entreprise, est souvent utilisé dans la phase de démarrage d’une entreprise.

CARACTÈRE

Est-ce que je veux un modèle de financement privé ou public ?

Habituellement, le financement participatif est un modèle de financement privé, et il est mis en place par des plateformes privées de collecte de fonds, comme la plateforme française MiiMOSA ou la plateforme italienne Biorfarm.

Cependant, les initiatives de financement participatif peuvent être lancées par les autorités publiques et elles peuvent être utilisées pour lever des fonds pour des projets publics ou à but non lucratif.

RÈGLEMENTATION

Quelles sont les exigences légales requises dans le cadre des modèles de financement innovant ?

En général, dans le financement participatif, il y a peu d’exigences légales. Lorsque vous souhaitez mettre en place une campagne de financement participatif, vous devez conclure un accord avec la plateforme de financement participatif. Par exemple, dans le cas de Miimosa en France, l’agriculteur est invité à remplir un module, expliquant ses attentes en matière de collecte de fonds (montant et durée). Il est ensuite contacté par les experts mis à disposition par la plateforme pour concevoir la meilleure version possible du projet financier.

FORME JURIDIQUE

Est-ce que je veux impliquer une entité juridique distincte pour mon modèle de financement innovant ? Est-ce que je veux créer une entité juridique pour justifier mon modèle de financement innovant ?

Cette catégorie ne s’applique pas au financement participatif car il ne nécessite pas l’implication ou la création et l’enregistrement d’une entité juridique.

MODÈLE

Est-ce que je veux un modèle basé sur la participation ou sur l’autonomie ?

Habituellement, les modèles de financement participatif nécessitent la présence de l’agriculteur et des « participants », comprenant de nombreux investisseurs privés. En fonction de leur configuration spécifique, certains modèles peuvent être très innovants en termes de participation. Par exemple, dans l’étude de cas IT05, Domenico a utilisé le financement participatif « Alleva la Speranza » pour financer son projet de transformation de la terrasse en un lieu d’accueil des consommateurs pour des dégustations. En termes de gouvernance, ce modèle est très innovant, puisqu’il a été développé par l’organisation environnementale italienne Legambiente et l’entreprise énergétique ENEL pour favoriser la relance économique après les tremblements de terre de 2016 en Italie centrale.

PRÉSENCE D’INTERMÉDIAIRES

Est-ce que je veux faire appel à des intermédiaires comme des fonds d’investissement ou des plateformes ?

Dans le financement participatif, les plateformes agissent comme les principaux intermédiaires financiers. Il s’agit généralement d’outils en ligne, où les collecteurs de fonds présentent leurs projets et où les investisseurs peuvent interagir avec eux et effectuer des transactions financières. La plateforme française MiiMOSA ou la plateforme italienne Biorfarm sont de bons exemples de plateformes de financement participatif. Il est essentiel de choisir la plateforme la plus adaptée en fonction des besoins et des ressources requis. Certaines plateformes proposent des services d’accompagnement ou de communication (médias sociaux) bien développés.

DURÉE DE LA DÉCISION DE FINANCEMENT

Combien de temps faut-il pour effectuer les démarches préparatoires avant la mise en oeuvre du modèle de financement innovant ?

Dans un modèle de financement participatif, la phase préparatoire nécessaire à la mise en place d’une campagne de financement participatif varie selon les cas. En général, lors de cette phase préparatoire, le projet est proposé par un promoteur et évalué par la plateforme de financement participatif, qui évalue son potentiel et son adéquation au financement participatif. Ensuite, la campagne de financement participatif est conçue, souvent accompagnée d’une stratégie de communication.

DURÉE DU FINANCEMENT

Combien de temps faut-il pour rembourser l’argent que j’ai reçu pour la mise en oeuvre du modèle de financement innovant ?

La durée du financement dépend du type de financement participatif.

Dans le modèle de « financement participatif par prêt », où les particuliers prêtent de l’argent à une entreprise ou à un individu en espérant que l’argent sera remboursé avec des intérêts, la relation entre les investisseurs et le propriétaire du projet se poursuit au-delà de la durée de la campagne. Une fois le financement reçu, l’investisseur reste lié au projet pour une période plus longue, à l’issue de laquelle l’investissement initial sera remboursé, avec des intérêts. Par conséquent, en fonction de l’accord conclu, la durée du financement peut être longue.

Au contraire, dans le cadre du « financement participatif basé sur les dons », où les individus donnent de petits montants sans recevoir d’avantages financiers ou autres en retour, la relation entre le propriétaire du projet et les bailleurs de fonds est étroitement liée à la période de la campagne : leur lien avec le projet se termine formellement avec la clôture réussie (ou non) de la campagne.

DIVERSIFICATION DES SOURCES DE FINANCEMENT

Est-ce que je veux recourir à un mélange de plusieurs modèles de financement innovants ou une combinaison de schémas de financement traditionnels et innovants ?

Vous pouvez décider de combiner le modèle de financement participatif avec d’autres modèles de financement innovant. Par exemple, le modèle économique de Kopjezwam, une ferme urbaine produisant des micropousses présentée dans l’étude de cas BE01, est construit autour du financement participatif par prêt (auprès d’amis et de membres de la famille) et du financement participatif. Dans ce cas, le financement participatif est utilisé pour trouver d’autres ambassadeurs du projet.

COMPLEXITÉ

Est-ce que je veux un modèle avec un niveau de complexité plus ou moins élevé (en ce qui concerne les procédures administratives, la consommation de temps, la relation de confiance et les risques) ?

Le niveau de complexité d’un système de financement participatif varie en fonction de sa configuration, mais en général, il peut être défini comme moyen.

Si l’on considère chaque variable du concept de « complexité », les procédures administratives requises sont la recherche de la plateforme de financement participatif et la définition des accords avec la plateforme. Les étapes préliminaires ne demandent pas trop de temps : elles consistent principalement en l’évaluation et le choix de la plateforme de financement participatif la plus appropriée, et l’élaboration de la campagne. Le niveau de « confiance » peut varier, en fonction de la nature de la relation établie avec les « participants », autrement dit les promoteurs du financement participatif. Enfin, le niveau de risque peut être moyennement élevé, compte tenu de l’éventualité d’un échec de la campagne de financement participatif. Habituellement, les plateformes de financement participatif ont un pourcentage de risque attribué, en fonction de leur historique.

RISQUES

Quel est le niveau de risque pour l’agriculteur ? Le bailleur de fonds participe-t-il aux risques de l’exploitation ?

Le principal risque pour un agriculteur qui adopte le financement participatif est de rater la campagne de financement participatif. Globalement, le bailleur de fonds participe à ce risque. En général, si le projet recueille 100 % du budget initial demandé, la campagne de financement participatif est réussie et le promoteur reçoit la totalité du montant. Si le montant collecté est inférieur à l’objectif initial, c’està- dire s’il n’atteint pas 100 % du financement, l’argent est normalement rendu aux investisseurs et le projet ne reçoit aucun financement.

Cependant, certaines plateformes (principalement celles basées sur les dons et les récompenses) adoptent une approche de type « prenez tout », permettant au porteur de projet de recevoir les fonds collectés même si les montants collectés sont inférieurs à l’objectif initial.

CONTRÔLE

Le bailleur de fonds va-t-il participer au processus de décision de l’exploitation agricole ?

Généralement, une fois la campagne de financement participatif terminée, le bailleur de fonds ne participe pas au processus de décision de l’entreprise agricole. Toutefois, dans le type de « financement participatif basé sur les capitaux propres », où des particuliers participent à des investissements et obtiennent en retour des actions de l’entreprise, les investisseurs deviennent des copropriétaires. Cela implique normalement une participation aux pertes potentielles, ainsi qu’aux bénéfices. Par conséquent, le niveau de contrôle du bailleur de fonds est plus élevé.

REMBOURSEMENT

Quels sont les coûts pour rembourser l’investissement ? Quels sont les taux d’intérêt ? Quelles garanties dois-je fournir ?

La présence et la nature du remboursement dépendent du type de financement participatif. Dans le modèle de « financement participatif par prêt », une fois la campagne terminée avec succès, l’agriculteur doit rembourser l’investissement initial à l’investisseur (=le prêt), ainsi que les taux d’intérêt. Dans le modèle de « financement participatif basé sur les récompenses », à la fin de la campagne, l’agriculteur doit offrir une récompense non financière aux bailleurs de fonds (gadgets, produits ou services) en fonction du montant de leur contribution économique au projet. Enfin, dans le modèle de « financement participatif basé sur les capitaux propres », l’agriculteur donne des parts des bénéfices aux investisseurs.

Lisa et sa campagne de financement participatif

Lisa est une jeune agricultrice urbaine originaire de Suisse. En 2019, avec 4 amis, Lisa a décidé de créer une ferme ASC biologique, Stadsgroenteboer, dans la banlieue d’Amsterdam. Après avoir dépensé la plupart de leur argent dans la mise en place de l’entreprise agricole, Lisa et ses amis ont décidé de recourir au financement participatif pour acheter un vélo-cargo électrique pour livrer les légumes dans le centre-ville.

Ils ont organisé une campagne de financement participatif par le biais de la plateforme Ulule dans le but d’atteindre 8 000 euros en 40 jours. Au bout de 4-5 jours, ils ont réussi à atteindre leur objectif de 8 000 euros. Pour en savoir plus sur son histoire, regardez cette vidéo!

Maintenant, voyons comment notre méthodologie pour concevoir un modèle de financement innovant s’applique à l’histoire de Lisa !

OBJECTIF

Lisa et ses amis ont mis en place une campagne de financement participatif pour financer un investissement : l’achat d’un vélo-cargo électrique pour livrer des légumes bio dans le centre-ville d’Amsterdam.

PHASE DE L’ENTREPRISE

Lisa et ses amis ont mis en place une campagne de financement participatif pendant la phase de démarrage de leur ferme de légumes ASC, Stadsgroenteboer

CARACTÈRE

Ils ont choisi un modèle de financement innovant à caractère privé : le financement participatif. La campagne de financement participatif a été gérée par la plateforme privée Ulule.

RÈGLEMENTATION

La plateforme de financement participatif Ulule a quelques exigences pour ses participants. Par exemple, les campagnes Ulule sont basées sur le principe du « tout ou rien », ce qui signifie que les porteurs de projets ne reçoivent les fonds que si l’objectif de la campagne est atteint. En outre, les porteurs de projets doivent concevoir des récompenses pour les investisseurs du financement participatif.

FORME JURIDIQUE

Non applicable car il n’est pas nécessaire de créer une entité juridique.

MODÈLE

Les campagnes de financement participatif sont des modèles de financement basés sur la participation.

PRÉSENCE D’INTERMÉDIAIRES

« L’intermédiaire » était la plateforme de financement participatif Ulule.

DURÉE DE LA DÉCISION DE FINANCEMENT

Lisa et ses amis ont mis environ 40 jours pour préparer la campagne de financement participatif. Ils ont préparé une stratégie de financement participatif, ciblée sur les différents publics qu’ils souhaitaient atteindre. De plus, ils ont créé une vidéo pour leur campagne de financement participatif.

DURÉE DU FINANCEMENT

L’histoire de Lisa montre un exemple de « financement participatif basé sur les dons », où les propriétaires de projets offrent des récompenses aux participants à la campagne. Comme récompenses, Lisa et ses amis ont préparé des cartes postales et des calendriers faits main. L’équipe de Lisa était plutôt proche de ses investisseurs pendant la campagne. Ce lien étroit avec les participants au projet a officiellement pris fin avec la clôture réussie de la campagne.

DIVERSIFICATION DES SOURCES DE FINANCEMENT

Afin d’acheter le vélo-cargo électrique, Lisa et son équipe se sont entièrement appuyées sur la campagne de financement participatif.

COMPLEXITÉ

Selon Lisa, le financement participatif est un outil de financement innovant de complexité moyenne. Il nécessite un temps de préparation important et implique certains efforts d’interaction sociale, bien planifiés à l’avance (vous devez construire un réseau, faire la publicité de votre idée de projet et demander de l’aide).

RISQUES

Le principal risque était de rater la campagne de financement participatif si 100 % de l’objectif de financement participatif (atteindre 8 000 euros) n’avait pas été atteint. Selon les règles de la plateforme Ulule, les porteurs de projet ne reçoivent les fonds que si l’objectif de 100 % de la campagne de financement participatif est atteint. Un autre risque pour Lisa était que la plateforme de financement participatif Ulule fasse faillite.

CONTRÔLE

Dans le cas du modèle de financement participatif de Lisa, les bailleurs de fonds ne participent pas au processus de décision de l’entreprise agricole. La relation avec eux se termine avec la fin de la campagne.

REMBOURSEMENT

La forme de remboursement que Lisa et son équipe ont envisagée pour les participants au financement participatif était une récompense sous forme de cartes postales et de calendriers faits à la main.

6. FACTEURS PERMETTANT LA RÉUSSITE DE LA MISE EN OEUVRE  D’UN FINANCEMENT INNOVANT DANS L’AGRICULTURE

Dans de nombreux exemples réussis de financement innovant dans l’agriculture, l’agriculteur crée des relations fructueuses à partir de collaborations. La collaboration s’établit souvent avec des acteurs situés au-delà du réseau habituel de l’agriculteur, tels que des acteurs municipaux, des opérateurs commerciaux, des chercheurs ou des représentants de la société civile.

L’étude de cas ES03 illustre une relation de coopération entre un groupe d’agriculteurs et la municipalité : une SAT (Société Andalouse de Transformation) pour la transformation et la commercialisation de la pistache est un exemple de la forme associative de financement (modèle n° 1 du catalogue) puisqu’elle a conclu un accord avec les acteurs municipaux, intéressés par cette culture comme alternative potentielle aux oliviers.

Dans d’autres modèles de financement, en particulier ceux qui prévoient la participation des citoyens au modèle économique, il est crucial d’établir une relation de coopération avec la communauté locale. C’est le cas des entreprises agricoles solidaires (modèle n° 19 du catalogue), où le soutien des citoyens-consommateurs est essentiel pour l’entreprise agricole.

Avoir des connaissances de base en finance s’avère être une valeur ajoutée pour l’agriculteur. Daniel, un agriculteur à temps partiel qui travaillait auparavant dans une banque, a tiré profit de ses connaissances financières professionnelles dans son emploi actuel à Kopjezwam, la ferme urbaine qui produit des micropousses, et conseille vivement aux agriculteurs d’acquérir des connaissances en matière de finance (étude de cas BE01). Dans le même ordre d’idées, Valerio, un agriculteur italien qui a reçu des conseils financiers de l’association des agriculteurs de la Confédération italienne des agriculteurs (CIA) pour demander le prêt ISMEA sur 30 ans, souligne l’importance de disposer de bonnes compétences financières (étude de cas IT02).

L’élaboration d’un plan d’entreprise solide est une étape nécessaire à la réussite d’une structure de financement. Il permet à l’agriculteur d’avoir une vision cohérente de son activité et de planifier correctement les ressources nécessaires à sa mise en oeuvre.

De nombreux agriculteurs des études de cas présentées ont souligné l’importance d’avoir un plan d’entreprise solide, comme Alicia (étude de cas ES03), une jeune éleveuse de moutons en Espagne, ou Daniel (étude de cas BE01), un agriculteur urbain en Belgique. Daniel souligne en particulier qu’un agriculteur doit également être capable de défendre correctement son plan d’entreprise devant les investisseurs.

Cela résonne dans les mots de Patricia (étude de cas ES04), productrice de pistaches qui a rejoint une SAT, une forme associative innovante de financement : « Plus nous en savons, mieux nous évaluerons les besoins, mieux nous concevrons notre projet et mieux nous pourrons le défendre auprès des autres. »

Communiquer efficacement la valeur de votre idée commerciale est une compétence puissante. C’est un facteur crucial dans un modèle de financement participatif ou de financement participatif par prêt, afin de convaincre les gens de financer votre idée, comme le souligne Daniel (étude de cas BE01).

Il est particulièrement important de communiquer de la bonne manière dans les modèles commerciaux de niche de haute qualité. Anton, un éleveur de bétail allemand (étude de cas DE02), a été le premier à proposer des contrats de crédit-bail de bétail à ses clients, en leur offrant des races spéciales exclusives (bovins, porcs, moutons, oies). Son travail est très apprécié par ses clients, qui deviennent généralement des partisans à long terme. Selon lui, c’est le résultat de ses efforts non seulement pour produire selon des normes de haute qualité mais aussi pour communiquer efficacement ce choix aux clients. Grâce à une culture ouverte de la communication, il a réussi à établir une relation de confiance durable avec ses clients.

Les agriculteurs n’ont souvent pas les compétences financières nécessaires pour planifier et concevoir correctement un modèle de financement efficace, ni les connaissances et le temps nécessaires pour suivre les procédures administratives correspondantes. Dans de nombreux cas, le fait de disposer d’un bon réseau de conseillers techniques s’est avéré être un facteur favorable à la mise en oeuvre d’un système de financement innovant.

C’est le cas de Valerio, un céréalier italien, qui a réussi à obtenir un prêt ISMEA sur 30 ans grâce aux conseils techniques de l’association des agriculteurs CIA, qui a suivi sa procédure de demande (étude de cas IT02). De même, Domenico a reçu l’aide d’un agronome pour solliciter les plans de développement rural afin de financer la construction d’un hangar pour le conditionnement, le traitement et l’emballage des récoltes et du miel (étude de cas IT05).

L’innovation et l’expérimentation sont les résultats d’une attitude de réflexion et d’apprentissage permanent.

« Gardez un oeil à la fois sur l’exploitation agricole et l’environnement social et sur leurs interactions. De nombreux développements et initiatives culturelles, mais aussi des savoir-faire viennent de l’environnement social. » Ce sont les mots de Kathrin et Thomas (étude de cas DE03), qui justifient leur attitude réfléchie et innovante. Ils ont rejoint une initiative citoyenne et ont créé la fondation Hofgut Oberfeld, par laquelle ils ont acheté conjointement la ferme du domaine historique de l’État et loué des terres à des citoyens pour pratiquer l’agriculture biodynamique.

Dans le même ordre d’idées, l’histoire de Radmila (étude de cas CZ03), une éleveuse de chevaux tchèque, qui avait à l’origine une formation de bijoutière, montre sa forte capacité de réflexion, sa créativité et son esprit de réinvention. Elle souhaitait rénover les bâtiments historiques de sa ferme et créer des camps d’été pour les enfants. Pour cela, Radmila a eu l’idée de demander des fonds au ministère de la Culture et au ministère de l’Éducation, et elle a réussi à les obtenir.

L’ouverture d’esprit, la créativité et une attitude constructive sont des éléments qui contribuent au succès d’un modèle de financement innovant. Il s’agit d’une attitude qui peut conduire à la création de collaborations inhabituelles ou à l’émergence de nouvelles opportunités en période difficile. L’étude de cas  CZ03 en est un bon exemple : Radmila, une éleveuse de chevaux tchèque, a eu l’idée de chercher des fonds pour financer ses nouveaux projets parmi les sources de financement non agricoles. C’est ainsi qu’elle a réussi à obtenir le soutien du ministère de l’Éducation et de la Culture.

L’innovation et la créativité sont également des éléments qui caractérisent l’histoire de Werner et Martina (étude de cas DE01), deux agriculteurs allemands qui ont mis en place des certificats de participation aux bénéfices dans leur exploitation caprine : les gens peuvent investir dans l’exploitation et s’assurer ainsi un droit à un rendement. Le rendement n’est pas versé sous forme d’intérêts ou de dividendes, mais sous la forme d’un bon de la valeur correspondante pour des produits de la ferme.

La création d’une relation de confiance avec les investisseurs est un facteur qui influence la stabilité financière du modèle d’entreprise. Cela est particulièrement vrai pour les systèmes de financement qui prévoient la participation directe des clients au modèle d’entreprise, comme les paniers de consommation ou l’agriculture solidaire. De même, l’établissement d’une relation de confiance avec les soutiens financiers est un facteur de grande importance dans un modèle de financement participatif, où les investisseurs peuvent devenir les ambassadeurs principaux du projet. C’est ce que soulignent Amelie et Franziska (étude de cas DE04), deux agricultrices allemandes qui ont fait appel au financement participatif pour acheter une bergerie. Selon elles, le financement participatif leur a non seulement permis d’obtenir l’argent dont elles avaient besoin pour construire la bergerie, mais elles ont également obtenu de véritables soutiens pour leur projet. Les propos de Daniel, agriculteur belge de Kopjezwam, une ferme urbaine construite autour du financement participatif par prêt, reflètent la même idée :
« lorsque quelqu’un investit dans Kopjezwam, il a de l’affection pour ce projet et il en parle : ce n’est pas seulement un investisseur, mais également un ambassadeur. »

De nombreuses études de cas de financement innovant ont en commun le fait que les modèles d’entreprise agricole comportent des éléments de multifonctionnalité et de diversification. Cela signifie que ces exploitations ne se concentrent pas uniquement sur la production, mais proposent d’autres activités : éducatives, sociales ou touristiques.

Le financement participatif est souvent utilisé pour financer ces activités multifonctionnelles. C’est le cas de Martin (étude de cas CZ02), un maraîcher  tchèque qui, outre la production, accueille des stagiaires et leur propose des activités éducatives. Il a utilisé le financement participatif pour acheter une caravane lui permettant d’héberger ses stagiaires.

L’histoire de Radmila (étude de cas CZ03) montre qu’un modèle économique agricole centré sur la multifonctionnalité peut bénéficier d’un modèle de financement innovant. Radmila, éleveuse de chevaux tchèque, a eu l’idée, en plus de l’élevage de chevaux, d’organiser des camps d’été éducatifs pour les enfants. Pour financer cette activité, elle a cherché des sources de financement non agricoles et a obtenu un soutien financier du ministère de l’Éducation, établissant ainsi un modèle de financement innovant.

7. FACTEURS EMPÊCHANT LA RÉUSSITE DE LA MISE EN OEUVRE D’UN FINANCEMENT INNOVANT DANS L’AGRICULTURE

Un manque de liquidités pour les investissements peut être un problème sérieux pour un agriculteur qui souhaite démarrer un modèle de financement innovant.

C’est ce que souligne Anna Page (étude de cas CZ01), une éleveuse de buffles tchèque qui a connu des problèmes de trésorerie, principalement dus aux coûts initiaux élevés de la construction de sa fromagerie et à la nécessité de financer les dépenses à l’avance.

De même, disposer d’une trésorerie suffisante est crucial dans les modèles de financement associatif : si un groupe d’agriculteurs souhaite effectuer un achat associatif de biens et de fournitures (modèle n° 4 du catalogue), il est essentiel de disposer de liquidités suffisantes.

Il est crucial de construire un plan d’entreprise solide et de le communiquer de la bonne manière. La présence d’un plan d’entreprise flou, ou même l’absence de plan d’entreprise, est mal perçue par les investisseurs et le projet a moins de chances d’être financé. Comme le souligne Daniel (étude de cas BE01) : « Un bon entrepreneur ne peut pas tout faire tout seul, mais il sait ce qu’il peut très bien faire et où il a besoin de coopération. Un agriculteur a besoin d’un bon modèle d’entreprise. Il ne suffit pas de produire. »

L’implication de la communauté locale est un facteur de réussite dans de nombreux modèles de financement innovant, notamment ceux qui reposent sur la participation des citoyens au type de financement. Par conséquent, le fait de ne pas impliquer la communauté peut être un obstacle qui peut conduire à l’échec de votre modèle économique.

C’est ce qu’illustre l’expérience de Kathrin et Thomas (étude de cas DE03), membres d’une société à responsabilité limitée fondée par des citoyens qui ont acheté et transformé un domaine historique en une ferme biodynamique. Ils commentent : « Les gens ont été “emportés” par le développement de l’exploitation agricole. Ils ont beaucoup appris sur l’agriculture, s’y sont impliqués, ont pris des parts dans l’exploitation ou sont devenus des clients qui constituent la base économique de l’exploitation actuelle. En fin de compte, le succès réside dans cette interaction entre l’environnement et l’exploitation agricole. »

L’histoire de nombreux agriculteurs nous montre que la mise en place d’un modèle de financement innovant peut impliquer de longues procédures administratives. Cela prend du temps et nécessite souvent l’aide de conseillers techniques.

Amélie et Franziska, deux agricultrices allemandes qui ont eu recours au financement participatif pour acheter une nouvelle bergerie (DE04), conseillent : « Si vous visez un financement participatif, nous vous conseillons une bonne préparation et un bon encadrement. Une campagne de financement participatif demande du travail ».

De même, Ebba Maria, une agricultrice suédoise qui crée une fondation pour financer ses nouvelles activités éducatives, se plaint de la longueur des procédures administratives (étude de cas SE02). Dans le même ordre d’idées, pour Alicia, une jeune éleveuse espagnole (étude de cas ES03), qui a passé un contrat de transfert de pâturages, l’assistance technique qu’elle a reçue a été cruciale pour suivre un processus bureaucratique compliqué de justification des subventions de la PAC et pour concevoir un type de contrat innovant.

L’établissement d’une relation de confiance et d’engagement mutuels entre l’agriculteur et l’investisseur est vital pour la santé de votre entreprise. Cependant, dans de nombreux cas, des tensions peuvent apparaître, dues par exemple au fait que l’investisseur a tendance à s’immiscer dans les décisions de l’agriculteur. C’est ce qu’a vécu Cissi, une agricultrice suédoise qui a reçu le soutien d’un investisseur providentiel (étude de cas SE01) : la relation avec lui n’a pas toujours été facile car ce dernier était intrusif dans la sphère décisionnelle de Cissi.

Dans les modèles qui prévoient la présence de contrats, comme les contrats de location de terres agricoles, les relations peuvent devenir tendues. Par exemple, des conflits peuvent surgir parce que le preneur ne rend pas la terre en bon état.

Les agriculteurs sont confrontés à de nombreux risques qui peuvent avoir un impact sur la situation financière de leur exploitation, notamment les pertes et les échecs de récolte.

Dans certains modèles d’entreprise qui prévoient la participation directe des clients au modèle de financement, le risque de pertes peut avoir un impact direct sur la relation avec les consommateurs. Par exemple, dans un modèle qui prévoit la présence de paniers de consommation (modèle n° 16 du catalogue), en cas de mauvaise récolte ou de pertes, le client est directement impacté. La même chose peut se produire dans un modèle de crédit-bail de bétail, si l’animal tombe malade ou meurt.

Il est donc essentiel que l’agriculteur tienne compte de ces risques lorsqu’il conçoit son modèle de financement innovant et qu’il réfléchisse à la possibilité d’obtenir des mécanismes d’assurance.

Lorsqu’il s’engage dans un modèle de financement innovant, il est essentiel que l’agriculteur évalue les conditions de remboursement, telles que les coûts de remboursement des investissements, les taux d’intérêt et les garanties qu’il doit fournir. Ce sont des éléments qui influencent la stabilité financière de l’entreprise agricole.

Par exemple, les fonds d’investissement sont connus pour exiger des conditions de remboursement strictes. Il est important que l’agriculteur en soit conscient lorsqu’il implique un fonds d’investissement dans son plan financier.

CONCLUSIONS
  1. Les financements innovants offrent de nombreuses possibilités qui méritent d’être explorées.
  2. Les modèles de financement innovant sont flexibles : vous pouvez concevoir votre propre structure de financement, en utilisant un modèle de financement innovant ou en combinant plusieurs modèles selon vos besoins !
  3. La conception de votre propre modèle de financement innovant nécessite un minimum de connaissances financières. Continuez à vous former !
TEST FINAL
RÉFÉRENCES / LIENS

Bibliographie

  • “Survey on financial needs and access to finance of EU agricultural enterprises”, FICOMPASS, 2019.
  • “FARMINFIN Catalogue about innovative financing in agriculture”, FARMINFIN, 2021.
  • “FARMINFIN Guide about innovative financing in agriculture”, FARMINFIN, 2021.
  • “Crowdfunding and ESF opportunities: future perspectives for managing authorities”, FICOMPASS, 2020.

Sitographie